Le plaidoyer, la foi et les DSSR : les stratégies de la société civile dans le monde
Dans le cadre de notre réflexion sur les dix dernières années de travail d'AmplifyChange, nous sommes fiers de mettre en lumière les principales stratégies de plaidoyer en faveur des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR) dans des contextes difficiles. Dans ce rapport, nous vous invitons à découvrir comment les organisations de la société civile mettent concrètement en œuvre des approches confessionnelles du plaidoyer en faveur des DSSR. En utilisant la religion et en engageant les chefs religieux pour obtenir des changements positifs, les organisations d'Afrique et d'Asie du Sud ont apporté des changements concrets et durables au sein de leurs communautés.
Introduction
La religion est présente sous une forme ou une autre dans presque tous les pays du monde. Une recherche de Pew Research Center montre que 84 % de la population mondiale déclare avoir une appartenance religieuse, un chiffre appelé à croître dans les années à venir. Bien que le nombre de personnes se disant croyantes diminue dans certains pays, d’autres régions du monde - en particulier des pays d’Afrique, d’Asie du sud et du Moyen-Orient - conservent un fort pourcentage de population considérant que la religion joue un rôle important dans sa vie.
De ce fait, la religion se trouve inévitablement mêlée à la politique et aux normes sociales. Or même parmi les gens se revendiquant des mêmes croyances ou de la même appartenance religieuse, l’interprétation individuelle des enseignements religieux et la façon de les appliquer au quotidien varie considérablement. Certain·es auront des positions plus conservatrices, d’autres plus libérales quant à la façon dont la religion régit leur quotidien. Les Droits et la Santé Sexuels et Reproductifs (DSSR) sont l’un des domaines où ces différences sont les plus marquées.
Au niveau politique, la religion est de plus en plus fréquemment invoquée pour justifier les restrictions des DSSR imposées aux populations en différents endroits du globe, notamment au détriment des femmes, des jeunes, et des minorités sexuelles ou de genre.
- En Ouganda, l’adoption de la Loi contre l’Homosexualité en 2023 a été financée et coordonnée par des mouvements chrétiens fondamentalistes basés aux USA. L’essentiel des arguments mis en avant tenaient au fait de protéger les soi-disant « valeurs traditionnelles », un terme aux contours flous fréquemment brandi par l’opposition aux DSSR pour entretenir des conceptions nocives et hétéronormées des prérogatives de genre et de la sexualité.
- En 2016, la Loi sur l’Avortement Sécurisé au Sierra Leone a été bloquée sous la pression des autorités religieuses dans le pays. Elles ont soutenu que la loi était contraire au « droit à la vie » reconnu par la Constitution, au mépris du fait que 10 % de la mortalité maternelle dans le pays soit imputable à des avortements à risques.
- Au Somaliland, une levée de boucliers similaire de la part des sommités religieuses à l’encontre de la Loi sur le Viol et les Délits Sexuels de 2018, pourtant emblématique, a abouti à la promulgation d’une version révisée en 2020, qui réduit la protection des victimes de viols et d’agressions sexuelles, et permet les mariages forcés, mariages précoces et mariages d’enfants.
- La confluence de l’ethno-nationalisme et du fondamentalisme religieux est de plus en plus manifeste dans les politiques et les pratiques restrictives qui affectent les droits liés au contrôle de la fertilité, au mariage, à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, comme on le voit par exemple dans certains pays d’Asie du sud.
Cependant, il existe des organisations et des personnalités religieuses prêtes à s’engager pour que les DSSR soient préservés. Ces organisations s’appuient sur les enseignements et le langage de la religion pour plaider la cause de la promotion et de la protection des DSSR. Certains de ces mêmes éléments de langage sont pourtant employés par les groupes religieux hostiles aux DSSR pour argumenter dans un sens opposé. Les groupes religieux pro-DSSR sont des partenaires inestimables pour obtenir des avancées, en particulier dans les contextes difficiles.
Les organisations laïques de la société civile n’ignorent pas l’importance de rallier à leur cause des leaders religieux·ses en soutien à leurs objectifs de plaidoyer. Les acteurs religieux peuvent avoir une influence à différents niveaux, que ce soit auprès de leurs congrégations – dont les croyances déterminent le changement des normes sociales – ou directement auprès des décideurs politiques, et donc sur le changement des lois et politiques. Dans certaines régions, les gens font davantage confiance à leurs guides spirituel·les qu’à leurs représentant·es politiques sur ce type de sujets. La recherche montre que collaborer avec des acteurs religieux est une stratégie payante pour améliorer l’état de santé des populations. Aussi, pour celles et ceux qui cherchent des partenaires à même de soutenir le plaidoyer pour les DSSR, les acteurs religieux ne sont pas à négliger.
Dans ce rapport, nous vous invitons à découvrir comment font en pratique les organisations de la société civile pour mener leur plaidoyer pour les DSSR selon une approche compatible avec la foi.

Qui nous sommes
AmplifyChange est un fonds compétitif multi-bailleurs qui soutient le plaidoyer de la société civile pour les DSSR en Afrique, en Asie du sud et au Moyen-Orient. Notre vision est d’apporter à toutes et tous la pleine jouissance de leurs droits et de leur santé sexuels et reproductifs. Nous pensons que cet objectif ne pourra être atteint qu’en construisant une société civile plus forte, réunissant des organisations diverses et résilientes qui unissent leurs forces pour former des mouvements pour le changement.
Nos choix de subventionnement sont orientés par la demande. Nous écoutons les propositions des organisations locales, qui nous indiquent directement quelles approches et stratégies de plaidoyer sont les plus efficaces pour promouvoir les DSSR dans leur environnement. Depuis 20141, nous sommes fier-es d’avoir soutenu 319 projets qui intègrent explicitement des acteurs religieux en tant que parties prenantes clé, dont des financements directs à 16 organisations2 qui se déclarent de nature confessionnelle. Ces projets ont été déployés dans 48 pays, pour un total de 28 607 825 GBP 3 investi dans des approches du plaidoyer DSSR basées sur la foi.
Localisation des projets associant la foi aux DSSR


4,5 millions de GBP

6,4 millions de GBP

5,6 millions de GBP

6,8 millions de GBP

5,4 millions de GBP
1. Les données couvrent les subventions validées jusqu’en janvier 2025.
2. Au stade de la candidature, les organisations peuvent choisir la manière dont elles souhaitent être classées (par exemple, organisations confessionnelles, organisations dirigées par des femmes, organisations dirigées par des jeunes, etc.) Ce nombre peut sous-représenter le nombre réel d'organisations confessionnelles financées par AmplifyChange.
3. Le montant indiqué ici correspond au montant total des subventions.
4. Les subventions pouvant répondre à une ou plusieurs thématique(s) de DSSR, certains projets peuvent être comptabilisés plusieurs fois.
Nous avons identifié cinq stratégies clé que les organisations jugent efficaces pour atteindre leurs objectifs de travail :
- Intégrer des acteurs religieux aux mouvements pour les DSSR.
- Former des acteurs religieux comme ambassadeurs du changement des normes sociales dans leur communauté.
- Missionner des acteurs religieux comme porte-paroles du mouvement auprès de parties prenantes stratégiques, dont leurs homologues parmi les opposants.
- Puiser dans les Ecritures et les croyances religieuses des arguments qui renforcent la cause des DSSR.
- Travailler avec des structures et organisations confessionnelles pour intégrer une vision complète des DSSR dans les pratiques éducatives.
Chacune des sections du présent rapport sera consacrée à l’une des stratégies ci-dessus, et expliquera comment elle a permis aux organisations que nous subventionnons de faire progresser leurs objectifs de plaidoyer. Cette analyse sera accompagnée d’études de cas représentatives de nos cinq priorités de travail, pour un examen plus approfondi de l’engagement des milieux religieux dans le plaidoyer pour les DSSR.

Intégrer des acteurs religieux aux mouvements pour les DSSR
Faire naître un mouvement est un enjeu essentiel pour qui souhaite impulser des changements sociaux et politiques. En formant des alliances résilientes, fortes de partenaires varié·es, les initiatives de promotion et de préservation des DSSR seront plus durables. Les mouvements ont un impact collectif plus fort que des individus ou des organisations travaillant isolément, voire en concurrence.
Là où la religion est très présente au quotidien, une façon de renforcer la résilience des mouvements pour les DSSR consiste à y impliquer des organisations confessionnelles et des dignitaires religieux-ses.

Les mouvements multiconfessionnels et multisectoriels jouent un rôle clé dans la promotion politique des DSSR et la réforme des lois. La coalition We Will Speak Out South Africa (WWSOSA) est un mouvement confessionnel pour l’éradication des violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG). La coalition a soutenu la création dans différentes localités d’une constellation de groupes de soutien pour les victimes de VBG, appelée Phephisa Survivors Network, dont elle a développé les capacités jusqu’à la création officielle d’un réseau de soutien et de plaidoyer. WWSOSA a fait émerger des espaces de plaidoyer où les victimes peuvent s’adresser aux leaders religieux·ses pour expliquer l’importance d’améliorer les politiques et les dispositifs de lutte contre les VSBG. Etant parvenue à réunir un grand nombre de leaders religieux·ses, l’organisation a publié en 2019 une déclaration affirmant que les VBG sont un pêché, endossée par plus de 150 signataires. Ce travail de terrain a contribué à la formation en juin 2020 d’un collectif national de dignitaires religieux·ses, d’activistes et d’universitaires, sous le nom de Faith Action Collective to End GBV, qui compte aujourd’hui plus de 970 abonné·es à ses forums mensuels réguliers en ligne. En 2023, la déclaration de 2019 des chefs religieux du KwaZulu Natal est devenue une Déclaration interconfessionnelle nationale d'engagement contre les VBG, signée par près de 700 personnes de confessions diverses. WWSOSA plaide pour améliorer les lois relatives aux VSBG en Afrique du Sud dans le cadre d’un lobbying plus large de la société civile pour un Plan Stratégique National (PSN) sur les VBG. Dans la première version préparatoire du PSN au KwaZulu Natal, les acteurs religieux n’avaient pas été considérés comme des parties prenantes du mouvement pour l’éradication des VSBG. Mais après l’activisme et le plaidoyer de WWSOSA, la version définitive du document les désigne explicitement comme des partenaires clé pour la réussite des politiques de réponse aux VSBG. En avril 2020, le Président de l’Etat a lancé un PSN contre les VBG et les féminicides. D’autres collaborations ont présidé au développement de la première Stratégie VBG Interconfessionnelle pour le secteur confessionnel sud-africain (2024-2030), alignée sur le PSN, dont le lancement est prévu en octobre 2024.
D’autres organisations et réseaux laïcs cherchent à établir des liens et des partenariats avec des personnalités et organisations religieuses afin d’atteindre un public plus large et d’agir sur les normes sociales. SRHR Africa Trust (SAT) au Zimbabwe s'est rapprochée de leaders religieux·ses dans le cadre de son travail de remise en question des normes sociales, qui cible les mythes et les idées reçues autour de l'avortement et de la loi sur l'interruption de grossesse (Loi TOP, Termination of Pregnancy) au Zimbabwe. Ces échanges ont permis de faire émerger des plateformes pour transformer les attitudes à l'égard de l’interruption de grossesse. Parallèlement aux leaders religieux·ses, SAT s’est engagée auprès du Conseil des Chefs et a fait d'importants progrès pour changer leur point de vue à l'égard de l'avortement. L'implication de ces structures fournit un cadre pour infléchir les normes sociales au niveau plus large de la communauté, et renforce les mécanismes communautaires d’orientation vers un soutien juridique et des soins de santé pour les personnes qui en ont besoin.
Un mouvement pour le changement plaidera de façon plus unie et plus audible s’il inclut des leaders et organisations religieux·ses.


Centre for Solutions Journalism
Au Malawi, où près de 95 % de la population s’identifie à une communauté religieuse, toute velléité de réforme de la loi sur l’avortement se heurte à de sérieuses difficultés. Le cadre juridique restrictif, hérité de la période coloniale, entrave considérablement la revendication des droits reproductifs et de l’autonomie décisionnelle. Les entreprises de plaidoyer en faveur d'une réforme législative se heurtent à une forte résistance des communautés croyantes, influencées par les nombreux·ses dignitaires à s’être prononcé·es contre la réforme au nom de leurs croyances. Au vu du rôle important de la religion dans la culture malawienne, il était crucial de rallier à la cause des leaders religieux·ses : les seul·es à même de contrecarrer sur son propre terrain l'opposition religieuse. Reconnaissant la nécessité d'aborder cette question, Centre for Solutions Journalism (CSJ) au Malawi a lancé deux projets visant à impliquer des sommités religieuses dans la campagne pour la réforme de la loi sur l'avortement.
Ces projets, centrés sur la Loi sur l’Interruption de Grossesse (Loi TOP), avaient pour but de faire évoluer la position des acteurs religieux sur l’avortement sécurisé. L’entreprise a abouti à la formation et la déclaration officielle du Réseau Religieux pour le Droit de Choisir (Réseau RNC), une coalition multiconfessionnelle qui plaide pour l’accès à l’avortement sécurisé. Le Réseau RNC fait entendre une voix unifiée en faveur du droit de choisir, depuis une perspective religieuse.
[Nous] avons compris qu’il était stérile d’avoir d’un côté, les activistes des droits humains, et de l’autre, les opposant·es et les leaders religieux·ses. Parfois, lorsque […] une personnalité religieuse hostile à l’avortement dit quelque-chose, la réponse aura plus d’impact si elle vient d’une autre personnalité religieuse également reconnue

Malgré les difficultés initiales pour mobiliser individuellement les leaders religieux·ses, qui avaient bien du mal à convaincre leurs organisations respectives du bien-fondé de la cause, CSJ a réussi à rallier des dignitaires issu·es de différentes confessions au Malawi. Ils et elles ont été formé·es aux implications et à l’importance de la loi TOP. Depuis le début du projet, plus de 60 chef·fes religieux·ses ou traditionnel·les formé·es et soutenu·es par le CSJ sont devenu·es des militant·es actif·ves pour le droit d’accès à l’avortement.
En tant qu’organisation médiatique, CSJ produit et diffuse des programmes télévisés et des débats éducatifs sur les DSSR. L’organisation signe également une chronique hebdomadaire dans un journal national pour mieux faire connaître la loi et sensibiliser le public. Dans le cadre de sa stratégie médiatique, des leaders religieux·ses sont fréquemment cité·es ou appelé·es à contribuer aux articles et contenus sur la réforme de la loi : leur voix est la mieux placée pour toucher certains publics de la communauté élargie, ainsi que leurs homologues. Ces initiatives ont permis d’infléchir l’environnement médiatique dans un sens plus favorable et de sensibiliser l’opinion publique à la nécessité de l’accès à l’avortement sécurisé.
Les personnalités religieuses, désormais réunies au sein du RNC, ont joué le rôle de porte-parole pour approcher leurs homologues et retenir l’attention du grand public, créant ainsi un environnement favorable à la réforme législative. En faisant émerger une communauté de leaders religieux·ses réunie par cette position commune, le réseau est aussi devenu une plateforme de soutien qui aide à résister à la réprobation des milieux religieux hostiles. Les membres du RNC ont signé une pétition adressée au Parlement, appelant à rendre effective la loi TOP.
Les projets du CSJ ont significativement contribué à créer un environnement favorable à la réforme de la loi sur l’avortement au Malawi. En mobilisant les leaders religieux·ses pour tirer parti de leur influence, CSJ a préparé le terrain à une approche plus empathique et plus bienveillante des droits reproductifs dans le pays. Pour la suite, CNJ cherche à s’assurer des ressources pour poursuivre l’action de plaidoyer du RNC par des articles de presse, des conférences et différentes activités à l’attention du grand public.
Pour que les gens désapprennent des croyances qui les accompagnent depuis toujours et commencent à changer d’avis, ils ont besoin que des guides spirituel·les leur disent, ‘Noubliez pas, Dieu est amour. Dieu ne peut pas souhaiter la mort de quelqu’un à cause d’une grossesse non désirée. Si Dieu est amour, nous aussi nous devrions aimer ces femmes qui subissent une grossesse non désirée et ont besoin de l’interrompre’. Ces paroles seront beaucoup mieux accueillies venant de personnalités religieuses, que de n’importe qui d’autre.
La formation du RNC témoigne du puissant potentiel d’un plaidoyer appuyé par des acteurs religieux pour surmonter des obstacles culturels et juridiques profondément ancrés.
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Former des acteurs religieux comme ambassadeurs du changement des normes sociales dans leur communauté
L’origine des informations sur les DSSR dont les individus disposent est très variable. Très souvent, les DSSR ne sont pas intégrés aux cursus scolaires de façon systématique et complète. La honte et la crainte de la stigmatisation sont un obstacle récurrent à ce que les individus sollicitent des services ou des informations auprès des centres de santé. Les mythes et la désinformation sur ces sujets circulent abondamment, en particulier sous l’effet de l’influence accrue de la technologie.
Les normes sociales religieuses sont l’un des nombreux freins au plaidoyer pour les DSSR et à la mise en place effective de services. En tant que figures reconnues de leur communauté, les leaders religieux-ses – celles et ceux qui ont une influence sur leur communauté ou leur congrégation – ont un rôle important à jouer pour faire circuler des messages positifs et exacts sur les DSSR. Si ces acteurs peuvent être convaincus de devenir les ambassadeurs du changement des normes sociales, il sera nettement plus facile de surmonter ces obstacles.
The Young Women’s Christian Association (YWCA) [Association chrétienne des jeunes femmes] en Tanzanie œuvre à développer les connaissances des jeunes sur les DSSR et à leur faciliter l’accès aux services. Le projet a formé 45 parents et dignitaires religieux·ses à plaider efficacement pour des centres de santé adaptés aux adolescent·es, qui amélioreront les services et l’éducation aux DSSR. Les représentant·es religieux·ses qui portent la cause ont proposé aux jeunes des rencontres avec leurs ambassadeurs, et se sont investi·es dans le plaidoyer. Leur implication active a contribué à créer la confiance et à faire passer un message pro-DSSR qui respecte les sensibilités culturelles et qui résonne avec la communauté locale.
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Dans de nombreuses communautés, les acteurs religieux agissent en gardien·nes de pratiques nocives, dont certaines sont perçues à tort comme une exigence religieuse, comme les MGF/E et le mariage d’enfants. Ces personnalités sont hautement influentes dans la communauté et leur opinion pèse lourdement sur les décisions individuelles en la matière. C’est pourquoi Kenya Council of Imams and Ulamaa [le Conseil Kenyan des Imams et Ulamaa] a approché la communauté musulmane dans les régions de Kajiado, Narok et Naivasha dans le but d’y mener un plaidoyer durable pour les DSSR. Le projet a réussi à intéresser 30 leaders religieux (des Imams et des Maalimat) et à leur transmettre les connaissances et informations nécessaires afin qu’ils puissent militer pour l’abandon des MGF/E et la promotion des DSSR. Tous ont choisi de devenir des ambassadeurs, chargés d’éduquer leur communauté et leurs homologues sur les effets dévastateurs des MGF/E et des violences basées sur le genre (VBG). Les ambassadeurs ont aussi été formés à apporter un soutien psycho-social aux victimes de VBG et à les orienter vers les bons services. Cliquez ici pour visionner une vidéo du projet (anglais).
Transformer les normes sociales demande une compréhension fine des obstacles sociaux, culturels et religieux qui empêchent la progression des DSSR dans les communautés. Avec des leaders religieux·ses dans le rôle d’ambassadeurs, le changement positif devient plus accessible.


Deaf Women Included
Les personnes en situation de handicap s’exposent plus que les autres à la stigmatisation de leur entourage lorsqu’elles abordent le sujet de la sexualité, d’où d’énormes difficultés d’accès aux services. Les discussions sur le handicap et les questions de DSSR, comme la contraception et l’avortement, sont tabou. Par ailleurs, certaines doctrines religieuses sont en conflit avec les principes de DSSR, et des interprétations patriarcales des textes religieux limitent l’autonomie et les droits des personnes. Deaf Women Included (DWI) [Avec les femmes sourdes] est une organisation dirigée par des femmes, engagée pour les droits des personnes vivant avec un handicap au Zimbabwe. Elle a lancé un projet pionnier pour améliorer l’accès aux services, aux ressources et aux connaissances sur les violences basées sur le genre (VBG) et les DSSR au bénéfice des femmes et filles sourdes. DWI plaide pour des politiques d’inclusion et cible principalement les prestataires de services, en les formant à la prise en compte du handicap et en produisant des preuves à l’appui de son plaidoyer. Les stratégies d’implication des communautés, dont la collaboration avec des leaders religieux·ses pour créer un environnement favorable aux DSSR, sont aussi un aspect essentiel du travail de l’organisation.
L’implication précoce des acteurs religieux dans le projet a permis de le rendre plus acceptable, plus durable, et de faire en sorte qu’il ne heurte pas les valeurs et croyances locales. DWI a informé des femmes et filles sourdes sur leurs droits et sur les services disponibles, et a organisé des dialogues avec des dignitaires de la communauté, dont des directeur·rices d’école et des éminences religieuses, pour plaider la cause de l’éducation aux DSSR. L’équipe a créé et distribué des affiches où les chef·fes communautaires apparaissent comme des allié·es dans la lutte pour éradiquer les VBG et les mariages d’enfants. Les acteurs religieux impliqués dans le projet ont contribué à diffuser des messages clé pour réduire la stigmatisation et encourager les individus à faire appel à des services essentiels de DSSR. Ils sont pour beaucoup dans les succès rencontrés pour améliorer la compréhension des DSSR et faire évoluer les attitudes au sein de la communauté.
Le renforcement des partenariats entre les activistes pro-DSSR et des acteurs religieux a abouti à des interventions plus efficaces et plus durables. Les femmes et les filles qui en ont bénéficié ont pu faire leurs propres choix de santé éclairés, et les acteurs religieux sont devenus de fervents porte-paroles pour les DSSR. Les signalements d’actes de VBG ont augmenté, et les prestataires de service acceptent et accueillent mieux les femmes et les filles en situation de handicap. Des organisations confessionnelles ont également commencé à orienter les gens vers des services de DSSR, ou à proposer directement ces services.
Le projet DWI au Zimbabwe, qui a développé les ressources sur les DSSR et les VBG accessibles aux femmes sourdes, montre l’importance critique d’impliquer les communautés, de proposer des formations appuyées sur des données factuelles et de mettre en place des stratégies à plusieurs niveaux pour faire changer les comportements. En alimentant des partenariats solides entre des institutions religieuses et des structures de santé publique, et en tirant parti de l’influence de dignitaires religieux·ses, le projet a réussi des avancées significatives vers un environnement plus inclusif et plus favorable aux DSSR pour les femmes et filles sourdes.

Missionner des acteurs religieux comme porte-paroles du mouvement auprès de parties prenantes stratégiques, dont leurs homologues de l’opposition
Les leaders religieux·ses sont un atout pour influencer non seulement les communautés, mais aussi leurs homologues – d’autres acteurs et institutions religieuses -, ce qui est crucial pour la pérennité du plaidoyer pour les DSSR. Différentes organisations de la société civile, parfois à vocation confessionnelle, ont expérimenté avec succès des initiatives d’échanges entre homologues. En créant une communauté d’acteurs religieux capables de se soutenir mutuellement tout en agissant pour le changement en faveur des DSSR, ces organisations ont pérennisé leurs efforts de plaidoyer.
Kenya Muslim Youth Development Organisation (KMYDO) [l’Organisation pour le développement de la jeunesse musulmane kenyane] a lancé un projet d’éducation complète à la sexualité (ECS) baptisé Amina Ali, visant à intégrer l’ECS au sein des institutions éducatives musulmanes. Dans un premier temps, les réticences des leaders religieux·ses laissaient peu d’espoir quant à la viabilité du projet, mais KYMDO a mobilisé ses partenariats avec des érudits musulmans impliqués dans le développement du programme d’Amina Ali pour plaider auprès des éminences religieuses les plus écoutées. Celles-ci ont accueilli plus favorablement le projet après avoir compris que KYMDO consultait activement les érudits musulmans et d’autres autorités religieuses.
Sur la question de la santé menstruelle, Rwanda Interfaith Council on Health (RICH) [le Conseil Interconfessionnel pour la Santé au Rwanda] s’est mobilisé pour venir à bout de la stigmatisation et des pratiques discriminatoires autour de la santé menstruelle et des DSSR sur le lieu de travail et dans la communauté. L’implication des hommes et des garçons est l’un des axes de travail retenus. Etant elles·eux-mêmes des responsables religieux·ses, les membres de RICH pouvaient légitimement aborder leur homologues et engager des discussions pour transformer les normes et croyances nocives sur les DSSR. En collaboration avec les leaders de différentes confessions, ils et elles ont développé des supports susceptibles d’être utilisés par tout le monde, toutes religions confondues, pour éduquer les communautés aux questions de DSSR. Par ailleurs, par son travail de plaidoyer aux côtés d’autres acteurs, RICH a contribué à peser sur la décision du gouvernement de supprimer la taxe sur les serviettes hygiéniques en 2019. Ce résultat est une étape majeure pour la réduction de la pauvreté menstruelle. Les efforts sont désormais dirigés vers l’accès aux produits et à l’éducation, et vers l’objectif de normaliser les conversations au sujet de la menstruation.
Il peut être plus facile de peser auprès des décisionnaires ou des sphères religieuses influentes pour les rallier aux objectifs du plaidoyer DSSR lorsque les porte-paroles sont eux-mêmes ou elles-mêmes des dignitaires religieux·ses.


Muslim Family Counselling Services
Les mariages d’enfants sont courants dans la région de Bawku au Ghana, et sont généralement motivés par des raisons financières. Selon un proverbe local : « Donne-moi des terres, je te donnerai un enfant ». Muslim Family Counselling Services (MFCS) [Services de Conseils aux Familles Musulmanes], avec 34 ans d’expérience dans la mise en œuvre de projets DSSR au Ghana, a joué un rôle pivot pour répondre au problème des mariages d’enfants et des VSBG. La pratique des mariages d’enfants étant indissociable des croyances religieuses, le projet de MFCS dans le district Ouest de Bawku s’est attaché à mobiliser les leaders religieux·ses et traditionnel·les, ainsi que des organisations communautaires plus petites, dans le plaidoyer pour améliorer les DSSR des adolescent·es.
MFCS voit les dignitaires religieux·ses comme des membres clé des communautés, investi·es d’une autorité morale qui leur confère un rôle de guide et de soutien. Aussi sont-ils·elles incontournables pour faire changer les normes sociales et les pratiques qui affectent les jeunes de la région. Au cours du projet, des éminences religieuses ont analysé les textes sacrés afin d’y trouver des enseignements susceptibles d’appuyer le plaidoyer pour les DSSR des adolescent·es et pour venir à bout des VSBG. Ainsi, des arguments inspirés des textes religieux ont été mis en avant pour soutenir le déploiement de l’éducation à la santé dans les écoles et pour former les officiant·es dans les lieux de culte. Grâce à cette vision holistique de l’approche des communautés, MFCS parvient à faire passer des messages cohérents et respectueux de la sensibilité locale, diffusés par ses partenaires au sein des communautés.

Au cours du projet, l’organisation a formé 215 leaders religieux·ses et traditionnel·les à plaider pour le changement, a impliqué des victimes de VSBG et a mobilisé des hommes et des garçons en soutien aux initiatives de DSSR pour les adolescent·es. Au terme du projet, MFCS constate une baisse du nombre de mariage d’enfants et une hausse du taux d’inscription des filles à l’école. Par ailleurs, au niveau local, les relations entre dignitaires chrétiens et musulmans ont progressé en matière de célébration des mariages : l’âge et le consentement de l’épouse sont désormais demandés avant le mariage.

Il reste à étendre ces efforts aux communautés voisines, et à étoffer les premiers succès qu’a obtenus le projet. Cependant le projet MFCS à Bawku, Ghana, démontre le rôle puissant de la foi et des autorités traditionnelles pour transformer les communautés. En combinant un plaidoyer basé sur les Ecritures à une action au sein des communautés, le projet a pu s’attaquer à des normes culturelles bien enracinées pour promouvoir les droits et la santé des adolescent·es. Les réussites obtenues démontrent un clair potentiel pour des changements durables.
Pour nous, vous avez une foi même si vous n’avez pas de religion. Quand nous parlons d’une approche ‘basée sur la foi’, nous voulons dire une approche inclusive. Si vous n’êtes pas musulman, pas chrétien, pas animiste, pas bouddhiste, pas hindou, si vous n’appartenez à aucune religion définie – c’est votre forme de foi. Toutes les formes de foi sont bonnes [pour s’impliquer]

Puiser dans les Ecritures et les croyances religieuses des arguments qui renforcent la cause des DSSR
Des organisations de la société civile, en particulier des groupes confessionnels, ont compris que les milieux religieux hostiles aux DSSR se réclament fréquemment des textes saints comme prétendu fondement de leur opposition. Citer ces textes comme base du plaidoyer pour les DSSR permet de les contredire sur leur propre terrain.
Le Réseau des jeunes ambassadeurs pour la santé reproductive et la planification familiale (RJASR/PF) au Niger a compris l’importance d’approcher les acteurs religieux de la jeune génération et de gagner leur soutien au développement d’une éducation complète à la sexualité, localement dite ESRAJ (Education à la Santé Reproductive des Adolescent·es et des Jeunes). Au cours de son projet, l’organisation a créé un réseau de huit organisations de jeunes leaders religieux·ses qui ont mis en avant des arguments chrétiens et musulmans en faveur d’une vraie éducation à la sexualité pour les adolescent·es et les jeunes. Leur mobilisation a été entérinée par la signature d’une charte d’engagement. Les organisations religieuses signataires s’engagent à intégrer tous les aspects de l’éducation à la santé sexuelle dans leurs activités, sous une forme adaptée aux jeunes. De plus, ces structures religieuses ont été invitées à participer aux rencontres de plaidoyer ou aux réunions stratégiques avec les Ministères, contribuant à renforcer l’influence des jeunes leaders religieux·ses sur le changement des lois et des politiques.

l'infographie (anglais)
Les messages développés à l’attention des leaders religieux·ses pour faire évoluer les normes sociales et les croyances relatives aux DSSR sont souvent également pertinents pour un public plus large. Le réseau Faith to Action, dans le cadre du projet Because We Can! piloté par IPPF Afrique, a coordonné un groupe d’organisations confessionnelles de toute l’Afrique australe afin de préparer des arguments communs de plaidoyer pour les DSSR. Ces organisations ont notamment élaboré des argumentaires traitant des VBG, des DSSR et de la grossesse des adolescentes d'un point de vue multiconfessionnel, en utilisant des textes chrétiens, musulmans, baha’is et des textes religieux traditionnels africains. Cette base a permis d’appuyer le plaidoyer auprès des dignitaires religieux·ses sous une forme adaptée au contexte local, pour améliorer l’accès des populations aux informations et aux services.
En s'appuyant sur les Ecritures des différentes religions, les activistes peuvent contrer les arguments religieux hostiles aux DSSR et à l’égalité des genres en utilisant les mêmes outils et le même langage, et ainsi espérer gagner ou renforcer le soutien aux DSSR des milieux confessionnels.


Universal Coalition of Affirming Africans (UCAA)
En Ouganda, un pays où 98 % de la population adhère à une religion, les institutions religieuses jouent un rôle crucial dans l’évolution des normes et des valeurs sociales. La religion exerce une influence considérable tant que la culture que sur la politique, et les leaders religieux·ses jouissent d’une autorité morale considérable dans leur communauté.
La promulgation de la Loi Anti-Homosexualité (loi AHA) en 2023 a plongé la communauté LGBTIQ du pays dans un climat de crainte et d’incertitude. En dépit de ces difficultés, certain·es leaders religieux·ses ont pris la parole pour contester la loi AHA devant la Cour Suprême, en arguant que la foi religieuse peut co-exister avec une identité LGBTIQ. Dans ce cadre, une coalition d’institutions religieuses et de ministres de la foi, la Coalition UCAA (Universal Coalition of Affirming Africans), milite pour défendre les droits de tous les individus et en particulier des personnes LGBTIQ.
Le fait de comprendre le point de vue des acteurs religieux apporte un éclairage déterminant au travail de la coalition. Le projet a fait émerger un mouvement de leaders religieux·ses partisan·es de l’inclusivité, qui apportent leur soutien à la communauté LGBTIQ sous forme d’aide et de plaidoyer. La confiance et la compréhension réciproque sont des paramètres essentiels, en particulier compte tenu des risques réputationnels pour les leaders religieux·ses impliqué·es. La coalition, activement engagée dans la plaidoyer depuis 2017, regroupe à ce jour 110 membres, dont des leaders religieux, des croyant·es respecté·es et des institutions religieuses.
De précédentes études ont souligné l’impact de la religion et de la culture dans les discriminations envers les personnes LGBTIQ en Ouganda. Dans le cadre de son projet, l’UCAA orchestre un plaidoyer étayé par des données pour initier des changements. La coalition réunit des personnes compétentes pour discuter des textes sacrés, en particulier la Bible, et en proposer une nouvelle interprétation au service d’une vision plus inclusive de la religion. Parallèlement à la réinterprétation des textes, le projet aide 50 personnes LGBTIQ à réconcilier leur foi et leur sexualité pour retrouver leur bien-être psychologique et s’accepter telles qu’elles sont.
Malgré ces réussites, la coalition rencontre d’importants défis. La résistance des législateurs favorables à la loi AHA augmente les risques pour les activistes et la communauté LGBTIQ, d’où un besoin de mesures de sécurité renforcées. Il en a résulté une diminution globale de l’intensité du plaidoyer, de nombreux·ses activistes et organisations hésitant à faire figurer les droits LGBTIQ dans leurs revendications. Le soutien financier accessible aux organisations confessionnelles est limité, certains bailleurs hésitant à soutenir un plaidoyer à connotation religieuse.
La coalition ambitionne de créer un mouvement solide de leaders et institutions religieux·ses, en partenariat avec d’autres organisations de la société civile (OSC) engagées dans un plaidoyer pour les droits humains inclusif. L’UCAA espère qu’en tirant parti de la confiance que place la population dans ses guides spirituel·les plutôt que dans ses représentant·es politiques, et en continuant à appliquer des stratégies basées sur la foi, il sera possible d’agir sur les attitudes sociétales et sur les politiques pour que les droits humains des personnes LGBTIQ soient reconnus et respectés.
La dernière recherche de l’UCAA, ‘Policy, Religious and Cultural Discrimination against the LGBTI: A Case Study of Buganda Region’, est consultable ici.
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Travailler avec des structures et organisations confessionnelles pour intégrer une vision complète des DSSR dans les pratiques éducatives
Pour améliorer l'accès aux services de santé sexuelle et reproductive, il est essentiel d'impliquer les professionnel·les de santé des établissements de soin. Or dans de nombreux pays, ces établissements sont en grande partie gérés par des organisations confessionnelles, ce qui fait parfois obstacle à ce qu’une gamme de services complète y soit proposée. En Afrique, dans certains pays, 50 % des lits d'hôpitaux sont fournis par des structures de santé à caractère confessionnel. L'« objection de conscience », qui permet à un·e professionnel·le de santé ou à un·e pharmacien·ne de refuser de fournir un médicament ou un service en raison de ses convictions personnelles, est une tendance en progression dans de nombreuses régions du monde. En ce qui concerne des services tels que l'avortement, des études ont montré que l'objection de conscience a pour conséquence de réduire les possibilités d’accès aux services pour les femmes qui en ont besoin. De même, les écoles religieuses et autres établissements d'enseignement confessionnels sont souvent dispensés d'enseigner certains sujets, comme l'éducation aux aptitudes du quotidien ou l'éducation sexuelle complète. Il en résulte que de nombreux·ses élèves sont privé·es d’information sur les droits et la santé sexuels et reproductifs.
Pour surmonter ces difficultés d’accès aux services et à l'information, des organisations ont établi des partenariats avec des structures confessionnelles afin de garantir l’existence d’une gamme complète de services et d’informations en matière de DSSR.
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Inclusive and Affirming Ministries (IAM) en Afrique du Sud travaille avec des personnalités religieuses, des éducateur·rices et d'autres parties prenantes telles que les parents, le personnel psychosocial et des universitaires pour s'assurer que l'enseignement des aptitudes du quotidien intègre davantage les questions LGBTIQ, et que les élèves LGBTIQ se sentent en sécurité dans la classe. À ce jour, le projet a travaillé avec des enseignant·es et les a réuni·es pour discuter des opportunités et des défis pour promouvoir un enseignement inclusif, complet et holistique des connaissances nécessaires à la vie courante. Ces réunions et les résultats qui en découlent alimenteront les efforts de plaidoyer auprès des acteurs multisectoriels de l'éducation, en générant des connaissances et en créant des plateformes pour les partager.
La Fondation DASTAK Women Rights and Awareness est une organisation pakistanaise dirigée par des femmes et des victimes de violences. Elle a pour objectif de lutter contre les violences basées sur le genre et de faire progresser les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR) des jeunes, en suivant une approche holistique, participative et fondée sur les droits humains. Le projet en cours de DASTAK, Marham, vise directement à intégrer une éducation sexuelle complète, fondée sur des données probantes, au sein des séminaires religieux en langue ourdou. Ces séminaires dispensent un enseignement religieux à des jeunes âgé·es de 13 à 18 ans, soit en complément de l'enseignement classique, soit en tant que forme principale de scolarisation. L'ouverture des séminaires religieux à l'éducation à la sexualité est cruellement nécessaire, mais délicate à concrétiser au Pakistan. L'un des aspects essentiels du projet consiste à recenser les besoins en matière d'éducation à la sexualité, tant des enseignant·es que des élèves, dans les établissements à caractère religieux. Pour servir les chances de succès du projet, il est vital de déterminer comment présenter et partager des notions d’éducation à la sexualité qui soient non seulement correctes et complètes sur le plan factuel, mais aussi adaptées au contexte des séminaires. A ce jour, le projet a progressé à grands pas dans l’établissement de partenariats avec des séminaires : la nature flexible de sa subvention AmplifyChange a permis à DASTAK de s’adapter aux obstacles au fur et à mesure qu'ils se présentent. D'ici la fin du projet, DASTAK vise à développer un site web Marham assorti d’une application et d’un tchatbot, en partenariat avec des enseignant·es, des élèves et des érudits religieux, afin d’amplifier la diffusion des informations aux étudiant·es des séminaires religieux. Le projet espère créer un mouvement pour l’ECS des jeunes plus durable et plus inclusif, en amenant les enseignant·es et les directeur·rices des séminaires religieux à montrer l’exemple, pour créer un climat d'apprentissage où les jeunes osent parler ouvertement et prennent conscience de leurs DSSR. Pour en savoir plus sur le travail et les approches de DASTAK, suivez ce lien

Le réseau Solidarité des femmes pour le développement intégral (SOFEDI) au Sud Kivu, RDC, travaille en coalition pour promouvoir une loi complète sur le droit à l'avortement sécurisé en RDC et améliorer l'accès à l'avortement et aux soins post-avortement dans le cadre légal. Fort d’une approche holistique, le réseau collabore avec des organisations religieuses, des prestataires de services, la police, des chef·fes traditionnel·les et des communautés afin de mettre en place un réseau solide capable d’orienter les victimes de violences sexuelles. SOFEDI a assuré une formation clinique et des exercices de clarification des valeurs à des professionnel·les de santé dans des établissements publics et confessionnels ; sensibilisé les tribunaux locaux et les services de police à l'importance de l'avortement sécurisé et des soins post-avortement dans le cadre de la loi ; et veillé à ce que les victimes de violences sexuelles et leurs communautés soient informées du droit d'accès à une procédure médicale et à des soins post-avortement bienveillants après un viol. Grâce à ces efforts, SOFEDI constate que les établissements de santé, en particulier les établissements confessionnels, offrent des soins plus empathiques et moins stigmatisants aux victimes.
Inclure des établissements confessionnels parmi les cibles de plaidoyer pour l'amélioration des DSSR s’avère un choix judicieux pour rendre l’éducation complète à la sexualité et les services associés accessibles à tous·tes.


Haguruka
En Afrique, un nombre croissant d’écoles sont gérées par des groupes religieux. Le Rwanda est l'un des pays où se fait sentir l’influence grandissante de la religion sur les établissements d'enseignement. Pour que les élèves qui fréquentent des écoles à caractère religieux puissent avoir le même accès que les autres aux informations sur les DSSR, des groupes de la société civile se mobilisent pour diffuser des informations de DSSR adaptées à l'âge et médicalement exactes dans les institutions religieuses.
Haguruka est une organisation de la société civile basée au Rwanda qui milite pour améliorer les droits des femmes, des jeunes et des enfants, dont les droits et la santé sexuels et reproductifs. Dans le cadre de son projet subventionné, elle travaille avec des écoles confessionnelles pour les aider à mettre en place une éducation à la sexualité complète, accessible, qualitative et adaptée à l'âge.
Les normes sociales négatives concernant la santé sexuelle des adolescent·es restent un obstacle majeur à l'éducation sexuelle dans les écoles, malgré la forte prévalence des violences basées sur le genre et des grossesses non désirées chez les jeunes. Haguruka a réussi à surmonter ces difficultés en travaillant en étroite collaboration avec les dignitaires religieux·ses, les enseignant·es et les parents pour simplifier le programme existant d'enseignement de l'éducation à la sexualité, et pour intégrer un nouveau module dont l’approche est basée sur le plaisir, prenant le contrepied des discours négatifs autour de la santé sexuelle. Les cours relevant de cette approche mettent en avant l’importance d’une communication saine, du consentement et de l’autonomie décisionnelle, tout en abordant les rapports sexuels protégés. Six enseignant·es ont été formé·es en tant qu’ambassadeurs du plaisir et, à la fin du projet, ils et elles avaient contribué à intéresser 120 autres enseignant·es à ce sujet.
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En intégrant la notion de plaisir dans leur travail, les enseignant·es ont déclaré se sentir mieux équipé·es pour répondre aux demandes de leurs élèves en matière de DSSR. Les acteurs religieux ont reconnu l'importance de l'ECS dans les écoles, notamment en tant que mécanisme de protection contre le harcèlement et l'exploitation sexuelle. Les élèves se sont davantage impliqué·es sur le sujet et se sont senti·es plus à l’aise pour parler ouvertement des questions qu’ils et elles se posent pour leur bien-être et leur santé, en particulier dans le cadre de relations sexuelles ou amoureuses. Les thèmes de l'autonomie corporelle et du consentement ont donné aux jeunes la confiance nécessaire pour aborder la question des violences basées sur le genre à l'école et entre eux.
D'après les entretiens menés avec les élèves à la fin du projet, la majorité des jeunes participant·es se sentaient mieux armé·es pour prendre des décisions éclairées sur leur santé sexuelle grâce à l'amélioration du cursus. En associant des institutions confessionnelles à son plaidoyer en faveur de l'amélioration de l’ECS, Haguruka a réussi à identifier des stratégies clés pour permettre aux adolescent·es de mieux comprendre les droits et la santé sexuels et reproductifs.
Vers l’avenir
AmplifyChange est fière d'être partenaire des organisations de la société civile depuis 2014. Nous croyons en un monde où chacun·e pourra jouir de ses droits sexuels et reproductifs. Nous croyons qu'une société civile forte, diversifiée et collaborative peut former des mouvements qui impulseront ces changements.
Travailler avec des autorités religieuses en utilisant des approches basées sur la foi pour promouvoir les DSSR est l'une des nombreuses stratégies que nos partenaires bénéficiaires emploient pour initier des changements positifs dans leurs communautés. Comme en témoigne leur travail, il existe des façons variées d’intégrer avec succès une approche basée sur la foi dans le plaidoyer pour les DSSR :
- Intégrer des acteurs religieux aux mouvements pour les DSSR.
- Former des acteurs religieux comme ambassadeurs du changement des normes sociales dans leur communauté.
- Missionner des acteurs religieux comme porte-paroles du mouvement auprès de parties prenantes stratégiques, dont leurs homologues dans l’opposition.
- Puiser dans les Ecritures et les croyances religieuses des arguments qui renforcent la cause des DSSR.
- Travailler avec des structures et organisations confessionnelles pour intégrer une vision complète des DSSR dans les pratiques éducatives.
Au-delà des subventions octroyées à la société civile, AmplifyChange noue également des partenariats avec des organisations confessionnelles engagées en faveur de l'amélioration des DSSR au niveau mondial. AmplifyChange a coorganisé des sessions à la Conférence internationale sur la planification familiale en 2022, sur le thème du plaidoyer pour l'accès des jeunes aux DSSR, et à Women Deliver en 2023, sur le thème du partenariat avec des acteurs religieux pour faire progresser les DSSR. En outre, nous accueillons des organisations confessionnelles dans notre Dialogue « Parler des aptitudes du quotidien, de façon plus globale » et dans le Dialogue Mondial sur l’avortement sécurisé, des rencontres respectivement consacrées à étoffer les liens au sein du mouvement pour l'éducation complète à la sexualité et aux connaissances indispensables à la vie quotidienne, et à renforcer le mouvement mondial pour le droit à l'avortement.En identifiant la meilleure manière de tirer parti des acteurs et ressources confessionnels, la société civile se dote de nouveaux leviers pour soutenir son plaidoyer et impulser concrètement des changements positifs pour les DSSR. AmplifyChange ne manquera pas de continuer à soutenir les projets qui s’engagent dans cette voie.
Merci à tous nos partenaires bénéficiaires qui ont contribué leurs histoires, les photos, et les vidéos pour ce rapport.
- We Will Speak Out South Africa (WWSOSA) Coalition
- SRHR Africa Trust (SAT) Zimbabwe
- Centre for Solutions Journalism
- Young Women’s Christian Association (YWCA) – Tanzania
- Kenya Council of Imams and Ulamaa
- Deaf Women Included
- Kenya Muslim Youth Development Organisation (KMYDO)
- Rwanda Interfaith Council on Health (RICH)
- Muslim Family Counselling Services
- Réseau des jeunes ambassadeurs pour la santé reproductive et la planification familiale (RJASR/PF) – Niger
- Faith to Action Network
- Universal Coalition of Affirming Africans (UCAA)
- Inclusive and Affirming Ministries (IAM)
- DASTAK Women Rights and Awareness Foundation
- Solidarité des femmes pour le développement intégral (SOFEDI)
- Haguruka